7 avril 2024

Stewart Goodyear

Piano

 Stewart Goodyear © Anita Zvonar

Biographie

Pianiste, improvisateur et compositeur canadien, Stewart Goodyear multiplie les projets musicaux visionnaires et innovants. Il fait notamment sa marque en 2010, au Ottawa International Chamber Music Festival, alors qu’il interprète les 32 sonates pour piano de Beethoven en neuf soirées de récital, pour un total d’environ dix heures de musique. Goodyear a enregistré ces mêmes sonates de même que l’intégralité des concertos pour piano de Beethoven. Sa transcription pour piano solo du Casse-Noisette de Tchaïkovski s’est classée parmi les meilleurs enregistrements classiques de 2015 selon le New York Times, et son album consacré aux Concertos pour piano nos 2 et 3 de Rachmaninov a reçu une nomination aux Prix Juno dans la catégorie « Meilleur album classique pour soliste et accompagnement de grand ensemble ».

En 2019, Goodyear a enregistré sous étiquette Orchid Classics sa suite pour piano et orchestre Callaloo. Sa version du Concerto pour piano du compositeur afro-américain Adolphus Hailstork a été enregistrée avec le Buffalo Philharmonic sous la direction de JoAnn Falletta, sous étiquette Naxos Music. 3e engagement au LMMC.

https://www.stewartgoodyearpiano.com/

Notes

C’est à la faveur d’une commande du Wigmore Hall que Stewart Goodyear a écrit sa pièce pour piano solo Mending Wall, dans le cadre du Lockdown Commission Scheme. Inspiré par le poème du même titre composé en 1914 par Robert Frost, Goodyear interroge le rapport parfois contradictoire que nous entretenons avec les murs et les frontières. Dans le poème de Frost, deux fermiers entreprennent de rebâtir le mur qui sépare leurs terres. Le narrateur en questionne la nécessité : sa terre est un verger, et celle de son voisin, une pinède. Les arbres ne viendront tout de même pas s’envahir les uns les autres ! Et pourtant, c’est ensemble qu’ils réparent ce mur : il les unit autant qu’il les sépare. Goodyear a voulu traduire en musique ce paradoxe, à travers le rapport aux murs que le confinement pandémique a généré : ils nous ont protégés, et nous avons aussi cherché à les dépasser pour préserver nos liens. Autrement dit, si nous en avons besoin, c’est pour mieux nous en affranchir. Mending Wall a été créée en première mondiale à Wigmore Hall en septembre 2023, et vous assistez aujourd’hui à sa première québécoise.

Johann Sebastian Bach écrit ses Six Suites françaises au cours de son séjour à la cour du prince Leopold D’Anhalt-Köthen. Cette période se caractérise par ailleurs par l’influence culturelle croissante de la France en Europe, qui se traduit en musique par un intérêt accru pour la musique de danse. Or, ces musiques de danse se destinent de plus en plus à l’écoute ; elles invitent en quelque sorte à une danse de l’esprit. Les tempi sont ralentis, laissant place à plus de détails musicaux. Dans la Suite no 5, Bach reprend sa séquence classique, qui enchaîne allemande, courante, sarabande et gigue. Avant cette dernière, il insère trois « galanteries » (Galanterien en allemand) : gavotte, bourrée et loure. Au-delà de l’influence française, cette suite révèle des origines cosmopolites à plus d’un titre. La courante de Bach présente la vitalité caractéristique de la corrente italienne, plutôt que le calme de l’originale française. La sarabande est quant à elle une adaptation d’une danse mexicaine enlevante (zarabanda), que Bach transforme complètement en lui conférant un caractère lent et majestueux. Enfin, la gigue finale, à travers son énergie vigoureuse, évoque son héritage britannique et irlandais.

Quand, en 1819, l’éditeur de musique et compositeur Anton Diabelli invite 50 de ses collègues (dont Schubert et Czerny) à créer chacun une variation d’une valse de sa composition pour en produire un recueil destiné à des fins caritatives, Beethoven se saisit de la valse en question pour mener une exploration musicale beaucoup plus approfondie. C’est qu’il y a là matière à invention : comme l’écrit le critique Michael Steinberg, le mélange de neutralité et de bizarrerie caractéristique de cette valse un peu décalée, notamment sur le plan rythmique, offre une matière plastique et réactive aux manipulations du compositeur. De cet exercice approfondi résulteront les 33 Variations sur une valse d’A. Diabelli, encensée par de nombreux critiques tels qu’Arnold Schoenberg, Donald Tovey et Alfred Brendel. Comme le souligne ce dernier, dans cette œuvre, ce sont les variations qui décident de ce que le thème a à leur offrir, pas l’inverse. Sur le plan harmonique, on sera attentif à l’économie de modulations dont le compositeur fait preuve. Alors que les 28 premières variations demeurent dans le ton initial de do majeur avec quelques incursions dans la tonalité homonyme mineure, la seule modulation se produit à la variation no 32, une triple fugue en mi bémol majeur ; l’effet dramatique n’en est que plus poignant.

Catherine Harrison-Boisvert

Programme

GOODYEAR       Mending Wall (2023)
(1978- )

J.S. BACH          Suite française no 5,
(1685-1750)          en sol majeur,
                             BWV 816 (approx. 1722)

BEETHOVEN      33 Variations sur un thème
(1770-1827)          de valse de Diabelli
                             Opus 120 (1823)